La didactique des langues (DDL) est un domaine qui se nourrit de plusieurs sciences d'emprunt dont la sociolinguistique, la
psycholinguistique ou les neurosciences (Hilton, 2021 ; Huver et Macaire, 2021). Dans la poursuite de cette approche
interdisciplinaire, la sociologie de l'éducation pourra ainsi permettre d'interroger spécifiquement les inégalités d'apprentissage en
langues vivantes qui se jouent entre les élèves dans un cadre scolaire.
En effet, dans la lignée des travaux d'ESCOL qui portent sur les inégalités d'apprentissage comme résultante d'une non-adéquation
entre les dispositions socio-cognitives et socio-langagières des élèves, et les opacités des attendus scolaires qui demeurent très
souvent implicites (Rochex et Crinon, 2011 ; Rochex, 2016), nous proposons d'interroger les types d'implicites qui caractérisent
l'enseignement-apprentissage des langues vivantes étrangères (LVE) afin de voir dans quelle mesure et de quelle manière ces
implicites sont levés dans les pratiques enseignantes et ainsi d'analyser dans quelle mesure ils peuvent faire obstacle aux
apprentissages. En effet, parce qu'ils sont loin d'être toujours identifiés par les enseignants, ces implicites peuvent ne pas être étayés
ou travaillés avec les élèves. A contrario, quand les enseignants cherchent à les expliciter, ils se saisissent entre autres différentes
ressources sémiotiques - mots, gestes, actions, productions vocales (Beaupoil-Hourdel, 2021), mais s'appuient aussi des objets
didactisés ou mobilisent l'alternance codique.... Cependant ces mécanismes protéiformes et multimodaux (Tellier et Kasazian,
2021) ne font pas toujours sens pour l'ensemble des élèves. On peut alors se demander si, dans une approche relationnelle
enseignant-élève, ce traitement ou/et cette absence de traitement des implicites ne serait pas producteur d'apprentissages
différenciés fonction des élèves auxquels il s'adresse. Autrement dit, les élèves apprennent-ils tous bien les mêmes savoirs ?
Pour essayer de répondre à ces interrogations nous nous appuyons sur plusieurs séquences filmées d'enseignement-apprentissage
de l'anglais dans quatre classes de cycle 3 de l'école élémentaire (CM1 et de CM2) aux contextes socialement contrastés (corpus
enseignant 24h / corpus élèves 48h), et sur deux séries d'entretiens semi-directifs conduits auprès des enseignants observés
interrogeant leur conception de séances ainsi que leur rapport à la langue anglaise et à sa didactique.
Lors de cette communication, à la croisée de DDL et SDE, nous présenterons des analyses qualitatives, mettant en évidence une
typologie d'implicites différemment travaillés dans les pratiques enseignantes. Nous verrons d'une part que les inégalités
d'apprentissages sont la résultante de pratiques différenciées d'un enseignant à l'autre en ce qui concerne entre autres ce traitement
des implicites, mais que d'autre part au sein d'une même classe, les pratiques d'un même enseignant quant à leur conduite des
situations d'explicitation sont aussi différemment reçues par les élèves.

Bibliographie

Beaupoil-Hourdel, P. (2021). Le langage adressé à l'enfant dans les séances d'enseignement d'une L2 en maternelle. Les cahiers
de l'ASDIFLE, 35-58.

Hilton, H. (2021). Panorama historique de la recherche en acquisition des langues, In Leclercq A., Edmonds A. et Sneed German
E., Introduction à l'acquisition des langues étrangères, Louvain : De Boeck, 19-34.

Huver, E. et Macaire, D. (2021). Didactique de langue, didactique des langues, didactique du plurilinguisme, Recherches en
didactique des langues et des cultures, n°18, vol.2.

Rochex, J.-Y. (2016). Traquer les implicites pour combattre les inégalités. Bonnes pratiques ou vigilance partagée ?. Dialogues,
162, 37‐43.

Rochex, J.-Y. et Crinon, J. (dirs.) (2011). La construction des inégalités scolaires : au cœur des pratiques et des dispositifs
d'enseignement. Rennes : Presses universitaires de Rennes.

Tellier, M. et Kasazian, E. (dirs.) (2021). Multimodalité et multisupports pour l'enseignement-apprentissage des langues
étrangères. Cahier de l'ASDIFLE, 31.