Apprendre le métier de professeur des écoles en Tunisie : quelle place de l'affect ?
Fèker Chebbi  1@  
1 : Centre de recherche en éducation de Nantes
Nantes Université - UFR Lettres et Langages, Le Mans Université, Nantes Université - UFR Lettres et Langages

Aujourd'hui, le métier enseignant connaît un bouleversement croissant (Maroy, 2006). On assiste de plus en plus à une évolution de prescriptions institutionnelles. Il s'agit d'une sur-prescription des objectifs qui va de pair avec une sous-prescription des façons de faire pour les atteindre. À cela s'ajoutent les contraintes liées aux nouvelles exigences des élèves et de leurs parents et une sédimentation des règles du genre professionnel (Clot, 2008). Dès lors, apprendre le métier enseignant revient à arbitrer entre plusieurs intentions concurrentes, souvent en conflit, « résoudre » les dilemmes liés à l'activité (Prot, 2011) afin d'atteindre une certaine efficacité.

À la suite de Clot (2008), nous entendons par métier une structure de quatre instances en conflit. Le métier est à la fois très personnel, interpersonnel, impersonnel et transpersonnel. Pour apprendre à faire leur métier, les professeurs des écoles débutants sont tiraillés entre « ce qu'on leur demande de faire, ce qu'ils voudraient faire et ce qu'ils se voient contraints de faire » (Saujat, 2011, p. 243).

Dans ce projet de communication, nous prenons appui sur une recherche-intervention doctorale à deux phases, compréhensive et transformative, portant sur le développement de l'activité professionnelle des professeurs des écoles débutants en Tunisie. L'étude se réfère au cadre théorique et méthodologique de la psychologie historico-culturelle (Bruner, 2010 ; Vygotski, 2017) et notamment de la clinique de l'activité (Clot, 2008). Des entretiens de « récits de métier » ainsi que des autoconfrontations simples et croisées de collectif de professeurs des écoles débutants volontaires (région de Tunis) sont ainsi mobilisés dans un souci de mieux exploiter la capacité de ces histoires à « créer des illusions de réalité, à « subjonctiviser » toutes les affirmations quotidiennes qui paraissent aller de soi » (Bruner, 2010, p. 14). Nous nous intéressons essentiellement à l'analyse des situations conflictuelles qui font référence à une expérience de l'affect (Clot, 2017) où l'ordinaire est bouleversé par l'inconnu, les forces levées par ce qui arrive se pressent au contact des habitudes de l'enseignant et entrent en conflit avec eux. L'activité dirigée et le modèle de métier (Clot, 2008) sont au centre de ces analyses. Nous faisons l'hypothèse que ces situations sont une source potentielle d'apprentissage de métier.

 

Références bibliographiques :

Bruner, J. S. (2010). Pourquoi nous racontons-nous des histoires ? Retz.

Clot, Y. (2008). Travail et pouvoir d'agir. Presses Universitaires de France.

Clot, Y. (2017). L'affect et sa signification. In Conscience, inconscient, émotions (p. 153‑204). La Dispute.

Maroy, C. (2006). Les évolutions du travail enseignant en France et en Europe : Facteurs de changement, incidences et résistances dans l'enseignement secondaire. Revue française de pédagogie, 155, 111‑142.

Prot, B. (2011). Apprentissage de la conduite et sécurité routière : Un dilemme de référence pour la conception d'un référentiel de diplôme d'enseignant. Activites, 08(2).

Saujat, F. (2011). L'activité enseignante. In B. Maggi, Interpréter l'agir : Un défi théorique (p. 241‑257). Presses Universitaires de France.

Vygotski, L. S. (2017). Conscience, inconscient, émotions. La Dispute.


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